GT Location, Bassens, Gironde, début 2017. Les instances de gouvernance classiques, avec notamment un Codir à la tête de l’entreprise, ont été remplacées par un “co-lead”, soit un “Comité des Leaders” avec un principe de subsidiarité fort : chaque membre du CoLead porte un mandat d’un an renouvelable une fois, avec un impact fort de sens : le PDG lui-même n’en fera pas partie plus de 2 ans !
C’est ce que Les Échos partagent dans leur édition Business du 2 octobre : GT location en matière d’organisation et de gouvernance.
Vous trouvez ça radical ?
GT Location abandonne la logique hiérarchique, considérée par les dirigeants eux-mêmes comme inadaptée à la gestion du groupe. Et en effet, les membres de ce qui était le Codir auparavant ont non seulement « perdu » leur statut et leur rôle de pilotage, mais ont en plus volontairement choisi de faire confiance aux équipes opérationnelles de l’entreprise.
Or cette apparente radicalité n’est en fait qu’un choix de bon sens, visant à inscrire l’entreprise dans le temps long. Ce choix ne peut intervenir qu’en modifiant le regard porté sur l’entreprise.
La lecture des documents partagés par GT Location nous donne une piste claire : les objectifs de rentabilité ne sont pas même évoqués ! Les enjeux et les moyens mis en avant sont ceux d’agilité, de transversalité, de participatif, de subsidiarité. La performance économique ne vient qu’en appui, comme une conséquence évidente, et non comme une priorité de la gouvernance.
Car en fait, les priorités détaillées dans la Vision sont centrées sur 4 axes stratégiques, cœur de la performance de l’entreprise :
- Ses équipes, et GT Location parie sur le bien-être au travail, pour que GT soit « une entreprise heureuse ».
- Ses clients, avec la mise en oeuvre d’une démarche d’innovation avec les clients, menée par les salariés eux-mêmes, et pas exclusivement par un département innovation.
- L’international, dans une logique de pérennisation de l’activité : l’international est un moyen démontré de renforcement de la pérennité des entreprises
- Et enfin la « clé de voûte » : le conducteur, premier de cordée de GT Location.
Ainsi ce sont « ceux qui font », pour ne citer que Jean-François Zobrist, qui vont piloter l’organisation, innover et la faire grandir.
En supprimant les goulots d’étranglement décisionnels, en rapprochant le terrain des décisions, en horizontalisant l’organisation pour favoriser le partage d’information et l’agilité, GT Location fait le choix d’un mode organisationnel innovant, et qui a fait ses preuves depuis plusieurs décennies dans tous les secteurs et sur tous les continents (cf. The future of Management, Gary Hamel, Liberté et Cie, Isaac Getz, Le bonheur au Travail (Arte), etc.).
Il est cependant clair que si ce type de choix reste exceptionnel et fait (presque) la une des journaux, c’est qu’il existe de nombreux freins à cette transformation.
Et si c’était une histoire de confiance collective ?
Le premier frein concerne les croyances portées par 150 ans “d’Organisation Scientifique du Travail”, à la source du Taylorisme. La logique pyramidale qui en découle, les mécanismes de contrôle associés nous ont fait oublié la nature même des femmes et des hommes au travail : il y a toujours plus de plaisir et de satisfaction à faire du bon boulot qu’à truander, tricher ou contourner les règles. Or nos organisations sont pour la majorité d’entre elles structurées par un postulat de méfiance et de contrôle.
GT Location a fait ce choix “radical” de faire confiance à ses équipes et de prendre le risque de voir ce que cela produit. Finalement, cette “radicalité” n’est que de façade, puisque, quel que soit le niveau de contrôle souhaité, in fine les conducteurs sont autonomes dans leurs véhicules. Chaque dirigeant peut se poser la même question, il trouvera une réponse assez similaire. En faisant de l’autonomie et de la responsabilisation non plus un simple état de fait mais une force reconnue et valorisée de l’entreprise, GT Location met en oeuvre une dynamique aux conséquences difficilement prévisibles et pourtant amplificatrices : il existe un potentiel de performance que les nouvelles conditions de gouvernance et de confiance collective vont nécessairement libérer !
Libérer son organisation, c’est se libérer soi-même et trouver sa juste place.
Le second frein, c’est le rôle et le statut des membres du Codir. C’est probablement le frein le plus important dans les organisations, et c’est légitime : quand on a passé toute sa carrière à gravir les échelons, il est difficile de renoncer au modèle qui nous a construit pendant deux ou trois décennies. Mais que vont gagner les anciens membres du Codir ? On ne peut faire que des hypothèses, mais l’expérience me permet aujourd’hui d’apporter des pistes :
- de la sérénité, puisque l’avenir de l’entreprise ne reposera plus sur les épaules de 10 ou 20 personnes, mais sur les choix et les opportunités portées par 1700 personnes.
- Et qui dit sérénité, dit moins de stress, moins de fatigue, et donc un plus grand confort au quotidien.
En réduisant considérablement le nombre de décisions à prendre quotidiennement, corollaire de l’autonomie croissante des équipes, chacun des membres du Codir peut apporter une meilleure compréhension des enjeux stratégiques, consacrer du temps à écouter, à innover, et renforcer leur capacité de vision prospective, au service des enjeux du groupe et des équipes opérationnelles. Ils pourront ainsi se mettre au service du collectif, passer d’un statut de directeur à un rôle de leader en somme !
Enfin, en quittant une logique de pouvoir par la compétition et l’exclusion (il y a peu de place en haut de la pyramide), ils vont pouvoir consacrer toute leur énergie à la pérennité du groupe, sans avoir à consacrer une partie de cette énergie à leur propre pérennité dans le groupe.
Responsabilisation et autonomie pour tous !
Le dernier frein pourrait venir des équipes elles-mêmes. Comment faire sans chef ? Qui décide ? Sans capitaine, où allons-nous ?
O Captain! My Captain!
La démarche de transformation participative Vision mise en oeuvre par GT location dès 2012, et qui a déjà fait ses preuves dans d’autres groupes en France et à l’international, a favorisé et facilité une transition douce en démontrant, par l’action, la force du collectif et l’impact d’un travail collaboratif. A la suite de ce processus Vision, GT Location a su mixer transition douce et pilotage clair (et donc rassurant) : le shift s’est fait entre 2012 et 2016, et la bascule n’a pas supprimé le pilotage, elle l’a renforcé : d’un PDG aux commandes, adossé à un Codir, on a un collectif de 10 personnes choisies, toutes au service de l’intérêt collectif. C’est d’ailleurs en posant un constat fort, qui a nourri la Vision, que le groupe a commencé sa mue : « Le comité de direction était un frein à la transformation de l’entreprise ». La création d’un Comité de Leaders “tournants” est une réponse plus que symbolique qui a une double répercussion : l’autonomisation et la responsabilisation de chaque collaborateur.
L’adaptation des entreprises à la complexité du XXIè siècle réclame des changements que d’aucuns considèrent comme radicaux, si on reste dans une logique classique, héritée du XXè siècle et d’une ère pré-internet et pré-numérique. Pour construire sa pérennité, il est nécessaire de faire un pas de côté et de regarder son organisation, ses clients et son marché autrement, et faire ainsi des choix de bon sens. GT Locations en est un exemple évident, par la méthode comme par les choix ainsi que par leurs conséquences, tant humaines qu’économiques. GT Location c’est : 1700 salariés et 118 millions de CA en 2016, et un CA prévisionnel en hausse de 9% en 2017.
Augmenter le potentiel d’une entreprise passe par l’augmentation des possibilités d’action et de décision de chaque individu dans l’entreprise. C’est mécanique et exponentiel à la fois. C’est le « secret » des entreprises responsabilisantes, dites “libérées” ou “opales”.