Le mois dernier, en bons corporate hackers que nous sommes chez Imfusio, nous avons rendu réel la possibilité de (ré)inventer notre rémunération.
A travers de ces quelques lignes, je souhaite partager avec vous mes réflexions sur la mise en œuvre du processus que nous avons lancé chez Imfusio et qui vise à réinventer nos rémunérations, pour tendre vers une rémunération consciente, c’est à dire définie par chacun-e d’entre nous, en responsabilité individuelle et collective.
Ce processus est générateur de multiples secousses et telle une grosse montagne russe, il a provoqué beaucoup de réactions, affectives, émotionnelles, perturbantes dans la tête, dans le cœur et dans les tripes de chacun-e des Imfusien-nes.
Nous n’en sommes qu’au début de la réinvention, et je viens ici décrire la situation à date pour partager un peu de notre drôle d’aventure avec vous et qui sait, profiter de vos bons conseils :
- d’où vient ce processus, et dans quoi il s’ancre ?
- pourquoi il est essentiel à notre ambition collective, notre envie d’avoir de l’impact ?
- quel cadre donner pour resserrer notre réflexion ?
Origine et ancrage du processus
Notre ambition partagée chez ImFusio est d’avoir de l’impact sur la société, de la transformer en profondeur en amenant aux individus / citoyens qui la compose des moyens de se responsabiliser et de trouver du sens dans leurs actions au quotidien. Notre terrain de jeu, ce sont les organisations, parce que c’est notre cœur de pratique, notre zone d’excellence. Or les résultats des dernières élections (depuis quelques années, mais de façon crispante depuis fin 2015) nous démontrent l’urgence d’agir puissamment et rapidement pour que la vague extrémiste en cours, qui s’appuie sur les peurs et les principes de réponses simples (simplistes) à des problèmes hautement complexes, soit endiguée par un sursaut citoyen.
C’est pourquoi nos approches managériales, innovantes, tendent toutes à aider chacun dans l’entreprise à modifier sa posture pour devenir plus responsable et prendre des initiatives, s’engager, s’impliquer dans un projet partagé, au service d’un sens et d’un bien commun. Ces prises de conscience doivent permettre à chacun de comprendre que les réponses aux enjeux sont multiples et entremêlées, et pas uniques et simplistes. Et que le sens partagé, la solidarité au service de valeurs fortes peutfaire la différence. Le lien entre le travail et le sens citoyen se fait à ce niveau-là.
Ces enjeux là sont à la fois utopiques et absolument essentiels. Non, nous ne changerons pas la société à nous tout seul, évidemment. On voit bien la complexité des processus de transformation sociétale, le rôle très cadrant des institutions dans le débat démocratique, où même des initiatives comme Nuit Debout ou BleuBlancZebre, populaires, citoyennes, d’envergure nationale, sont confrontées à ces limites là. Mais nous avons le devoir de faire le maximum de ce qui est à notre portée, à notre main, pour agir dans cette exigence de transformation. Or l’entreprise est aujourd’hui un espace non-démocratique. Les mécanismes en jeu sont essentiellement autocratiques voire totalitaires parfois (et ça ne choque personne…). Les processus que nous mettons en place en entreprise renversent cet état de fait, pour redonner la possibilité aux membres d’une organisation de devenir acteurs et décideurs de leur destin collectif. Nous ne faisons pas de la politique mais nous travaillons dans et par le sens. Notre démarche est intrinsèquement citoyenne, et elle est symbolisée par l’économie du Mieux et les corporate hackers, outils/moyens de visibilité et de viralité.
Dans cette logique là, le rapport au travail est donc éminemment crucial.
Nous sommes des explorateurs et des défricheurs de nouvelles approches, de nouvelles pratiques, visant à transformer profondément la façon dont on collabore dans les organisations. Nous butons en permanence sur des dogmes, des croyances, des habitudes, des certitudes qui empêchent ou ralentissent les transformations.
Parmi ces dogmes/croyances, il y en a une particulièrement puissante, c’est celle autour de la rémunération. Il y a un rapport entre salaire et emploi qui est historiquement en défaveur du sens que l’on met dans son rôle professionnel. Aujourd’hui la rémunération telle qu’elle est construite et véhiculée, correspond à une compensation d’une forme d’aliénation volontaire. La majorité des français travaillent pour gagner de l’argent, pas pour répondre à un besoin de sens. (je vous invite à lire cet article de RHinfo, ou encore celui-ci sur l’engagement des salariés pour en avoir le coeur net).Travailler pour toucher une rémunération, c’est passer notre vie à justifier l’argent que l’on va recevoir à la fin du mois.
Et c’est ce basculement là qu’il nous faut opérer : quitter la récompense du labeur pour trouver un mode de rémunération qui favorise et amplifie les libres contributions de chacun et de tous.
En allant explorer cette voie, on cherche à aller encore plus loin dans la remise en question des normes établies il y a bien (trop) longtemps, et qui sont limitantes et déséquilibrées. Le système traditionnel génère de la rivalité, de la compétition interne, de la jalousie… Il nous positionne les uns contre les autres, et génère des rapports potentiellement destructeurs.
L’objectif de la démarche de rémunération, c’est d’inventer une alternative enthousiasmante et libératrice pour tous.
Une rémunération qui soit au service d’ un épanouissement, pas d’une aliénation.
Notre ambition collective et notre envie d’impact ?
J’ai cherché plus en profondeur des exemples d’entreprises ayant déjà réalisé ce travail, pour les contacter, pour qu’ils nous donnent quelques pistes qui nous simplifieraient le travail. Bon, ben je n’en ai pas trouvé en France. Pas un lien, rien.
Heureusement, il y a quelques exemples à l’étranger cependant. Inspirants, ouvrant des opportunités, ils nous aident à avancer un peu moins dans l’inconnu. Cette démarche a bourgeonnée dans ma tête il y a quelques années après avoir lu les livres de Ricardo Semler « Maverick » et « the 7-day week-end ». Je vous invite d’ailleurs à visionner son TED, qui résume ses grands principes en 20 minutes .
En cherchant des exemples, je suis aussi tombé sur 2 structures qui ont mis en place une démarche similaire :
Hanno, qui décrit sur son blog à la fois le cheminement et les modes de calculs pour que chacun choisisse son propre salaire. C’est éclairant et peut nous aider à aller plus vite vers l’approche la plus adaptée pour nous.
Et celle-ci, chez Buffer, qui nous partage leur outil de calcul des salaires : très détaillé, très réfléchi, a adapter si nous allons dans cette direction-là — même si intuitivement, et à la lecture de l’article de Hanno, je ne pense pas que cela corresponde à ce que nous cherchons à accomplir.
Malgré tout, au moins pour la France et son système juridique, cela m’amène à penser que notre tribu est en plein dans l’inconnu, et que nous devons avancer à tâtons, pour tracer notre route.
Cela dit, c’est cohérent avec ce que nous sommes, ou voulons être : des corporate hackers.
Un corporate hacker, c’est quelqu’un d’audacieux, au service du bien commun, qui ne s’arrête pas aux acquis ou à la première difficulté, qui invente, qui innove, qui prend des risques.
Avec ce processus sur la rémunération, nous mettons en œuvre les principes du Hacker Bienveillant. Nous challengeons le statu quo. Nous prenons des risques. Des risques somme toute plutôt mesurés : pas de risque physique, pas notre vie en danger, pas de point de non retour… Bref, l’enjeu est d’importance, mais les dangers restent relatifs.
Nous avons ainsi lancé le processus en nous disant qu’on pouvait faire comme avec nos clients : mener un labo, pour tester et ajuster petit à petit, avec le droit d’échouer et de reprendre à zéro, pas de jugement sinon sur les résultats, et un processus souple et adaptable. Aujourd’hui, nous y sommes, nous le vivons en plein !
Certes, nous manquons de repères, nous rencontrons des blocages et des remises en questions, mais cette dynamique est vraiment cohérente avec notre métier : lâcher prise, théorie U, diamant de la transformation, confiance partagée, coresponsabilité, intelligence collective, écoute active…
A ce stade, nous avons de nouvelles marches à franchir dans le chemin vers un autre rapport à la rémunération.
Ces marches nous allons les gravir car je suis convaincu que nous ressortirons plus fort collectivement et individuellement de ce laboratoire en action.
Qu’allons nous faire ?
La première étape de notre expérience nous a tous fait prendre conscience de l’importance d’affiner et d’ajuster notre processus de (ré)invention.
Nous avons fait une première étape ouverte, avec un cadre très flou. Concrètement, la question posée fût la suivante : « quelle serait la rémunération optimale pour moi, en conscience des enjeux collectifs ? ». La transparence des salaires est la règle depuis le début de l’existence ImFusio, ainsi que la transparence des chiffres : la tréso, le CA, la rentabilité, la facturation, tout est partagé, accessible, discuté en équipe.
En revanche, ce que nous n’avions jamais partagé, c’est notre rapport personnel, intime, à l’argent. Or nous avons découvert à cette occasion que l’argent cristallise probablement des valeurs individuelles très profondément ancrées, issues de notre éducation, de nos croyances, de notre système familial. Et ce point est fondamental. Parce que nous l’avons ignoré, les propositions « en conscience » des un-es et des autres ont été accueillies par les filtres de chacun, générant incompréhension, conflits, tensions…. Cela a donc généré du chaos et du stress, tant pour nous individuellement que pour le système ImFusio dans son ensemble.
Nous avons donc collectivement décidé d’apporter un cadre plus clair pour la suite :
- construire ensemble une grille de critères les plus objectifs possibles, qui nous permettent d’avoir un choix le moins subjectif possible, en nous inspirant des exemples de Semco, Hanno et Buffer notamment
- clarifier encore plus le cadre budgétaire, pour que les repères dans lesquels s’inscrit le processus soient clairs et partagés.
- inclure un expert RH pour que cette réinvention de la rémunération soit compatible avec les impératifs légaux.
- (toujours) garder nos valeurs limites en tête et au cœur : confiance et plaisir !
Il y aura sans doute d’autres montagnes russes sur notre route, mais ce cheminement est indispensable et libérateur.
En l’état actuel des choses, je suis/nous sommes preneurs de contacts au sein d’entreprises qui vivent ou ont vécu une expérience similaire, et qui pourraient nous faire progresser et innover dans cette mise en oeuvre expérimentale.
Et comme elles sont probablement dans une logique de tâtonnements elles aussi, nous pourrons partager nos besoins, nos questions, nos idées, nos attentes avec elles, en toute transparence.
Et moi, je continuerai à partager nos avancées avec vous, évidemment.